"On y découvre des diatribes en or et des pensées de diamant. Si on "désentrelace" le tout on y lit une parfaite symphonie qui joue à nos cœur une tristesse infinie."
"Très beau texte à lire et relire pour bien se l'approprier. Beaucoup d'émotion en le lisant. Bravo !"
La tristesse arrive cachée dans les jours à venir. Les nuages se gonflent d'un liquide noir qui me marquera, comme la dernière fois, jusque dans la gorge. A son souvenir amer, je me demande que faire cette fois-ci. Que faire face à cette amoureuse sans rivale qui vient toujours avec une ardente férocité ? Me battre ? Me laisser emporter ? Espérer ? Renoncer ? Écrire maintenant – avant qu'elle ne soit là – le dernier acte qui paraîtra un jour de toute façon ?
Comme le jour précède la nuit, mon horizon se teinte tantôt de bonheur, tantôt de malheur. Je sais que se terre au cœur de mes heures noires la fierté de mon combat si je le mène jusqu'au bout, l'inspiration de mes récits si j'ose me regarder, les chants pour mon public inconnu, ces mots transpirant de désordre qui s'aligneront dans des lettres timides pour son propre créateur, la schizophrénie délirante d'une vie qui craint la mort.
Je me demande en guise de réconfort, s'ils sont comme moi, les conteurs, les écrivains, les inventeurs, les musiciens, les ingénieurs, les magiciens ? Tous condamnés à manquer cruellement de la seule chose dont ils auraient eu besoin pour être heureux, disposant à la place, de la magie tragico-dramatique des gens de talent.
Comme si ma vie ne m'appartenait pas, je me demande quelle toile est-ce que je tisse pour que jamais l'inspiration ne me quitte. Puis, quand par la plus sordide des antithèses – dans l'univers de ma résignation – elle s'en va, je me retrouve sans rien, occupé à manquer de tout, recherchant un peu de ce liquide noir qui polluant ma vie, me transforma un temps en héros.
Ne serait-ce que dans ma tête, en milieu rude que je devrais être fort. Tout devra me qualifier, afin que je résiste aux épreuves arrivant à la queue leu leu, s'étirant microscopiquement jusqu'où je ne puis plus rien voir. Quand se préparera mon orchestre dramaturge, dont chaque mouvement décrira à l’onomatopée près la course à un rêve inaccessible, une plainte égoïste, je me sentirais comme une prostituée abusée, pleine de crasse, pleine de rage, pleine de lassitude. Une ouvrière éreintée qui veut voir le monde s'envoler, tous ses objets sublimés après un battement de cils enchanté. Ce sans qu'aucun regret pour qui que ce soit ne se fasse sentir, bien que je fusse par le passé emplie d'une empathie extraordinaire. Commencera ensuite la musique. Elle sera guidée par les bras du destin. Je les hais, je les insulte, je les maudit déjà. Ces membres diaboliques aux articulations déformées qui soulignent en point d'orgue les moments les plus intenses de la symphonie douloureuse. Je souhaite qu'on en soit déjà à la neuvième. On dirait qu'ils se vengent d'une souffrance incompréhensible en me faisant pousser aussi longtemps que possible les cris les plus stridents qui soient. Je prie qu'ils tombent raides, incapables de torturer la vie dans un cadavre, qu'ils me donnent une fugue afin que je ne revienne pas, afin qu'ils s'en veuillent d'avoir été trop dures, afin que je n'entende aucune critique de mon œuvre quand sera venue la fin du cycle.
A l’occasion d'un concours d'écriture de Saison d'écriture sur le thème "Sans conjonction"
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